Chapitre 17

 

UN APPEL À L’AIDE

 

 

— Ces créatures ont un côté distrayant, je l’admets, dit Jarlaxle.

Entreri et lui avaient atteint un col de montagne. Le tueur descendit de cheval et courut au bord d’un éperon rocheux pour examiner la piste en contrebas. Et les orques qui devaient s’obstiner à les talonner… Laissant le désert derrière eux, les compagnons avaient abordé une région de collines rocheuses et de pistes accidentées.

— Évidemment, ajouta Jarlaxle, si j’avais un de mes lézards de Menzoberranzan, il nous transporterait en un clin d’œil là où nous voulons aller.

Enlevant son grand chapeau à plume, il frotta son crâne chauve. Le soleil tapait fort, ce jour-là, mais il sembla bien s’en accommoder – certainement mieux que ce qu’Entreri aurait cru de la part d’un drow. Jarlaxle se protégeait-il les yeux par magie ?

— Ils sont très utiles, ces lézards. J’aurais dû en amener quelques-uns à la surface avec moi…

Secouant la tête, Entreri gloussa.

— Entrer en ville avec un drow pour compagnon sera déjà assez délicat, merci ! Et tu voudrais en plus qu’on me voie chevaucher un de vos hideux monstres ?

En contrebas, les orques n’avaient pas abandonné la poursuite malgré un épuisement évident. Une force inconnue les poussait à continuer.

Artémis Entreri devina vite laquelle.

— Pourquoi ne pas recourir à la tente magique pour leur fausser compagnie ? demanda Jarlaxle pour la troisième fois.

— Sa magie est limitée, répondit son compagnon pour la troisième fois.

Il jeta un coup d’œil vers Jarlaxle. Pourquoi le drow insistait-il tant ? Cherchait-il des informations sur la tente ? Ou pire, l’Éclat de cristal l’y incitait-il subtilement afin de pousser Entreri dans cette direction ? Utiliser la tente les forcerait à réapparaître à l’endroit où ils y étaient entrés. Cela étant, Crenshinibon avait-il compris comment lancer un appel télépathique à travers les différents plans d’existence ? En se réfugiant sous la tente magique qui dérivait de plan en plan, Entreri et Jarlaxle risquaient, à leur retour dans leur monde d’origine, d’avoir pour « comité d’accueil » une armée d’orques manipulée par le cristal…

— Les chevaux fatiguent, ajouta Jarlaxle.

— Ils distanceront les orques.

— Si nous les laissons libres de filer, peut-être.

— Ce sont simplement des orques, maugréa Entreri.

Des orques sacrément obstinés, certes…

Il se tourna vers Jarlaxle, ne doutant plus le moins du monde de ses intentions. Après une longue journée, les chevaux traînaient de plus en plus la patte. Ils avaient galopé toute la journée avant de se rendre compte que les orques étaient à leur poursuite. Les « amis » avaient eu hâte de quitter le désert pour gagner au plus vite cette région montagneuse.

Somme toute, il était peut-être temps d’arrêter de fuir.

— Ils sont à peine une vingtaine, lui fit remarquer Entreri en les observant se traîner sur le raidillon en contrebas.

— Soit dix contre un… Allons nous cacher sous ta tente, histoire que nos montures soufflent un peu. On avisera ensuite.

— Nous pourrions les défaire facilement si nous choisissons et préparons le champ de bataille.

Surpris, le tueur constata que sa suggestion n’emballait guère le drow.

— Ce sont simplement des orques ! répéta-t-il.

— Vraiment ?

Entreri allait répondre quand le sens des paroles de son compagnon l’amena à réfléchir. S’agissait-il réellement d’une rencontre fortuite ? Que cachait cette bande d’orques apparemment banale ?

— Tu crois que Rai-guy et Kimmuriel dirigent ces monstres en sous-main ?

Il s’agissait plus d’une affirmation que d’une question.

Jarlaxle haussa les épaules.

— Ils ont toujours utilisé les orques comme chair à épée… Comme les kobolds et d’autres créatures inférieures. Ils les lancent sur l’ennemi pour miner sa résistance pendant qu’ils préparent le coup de grâce. Tactique classique. Ils ont usé de la même ruse avec la Maison Basadoni, contraignant les kobolds à mener la charge et à essuyer d’énormes pertes.

Entreri hocha la tête.

— Il pourrait également s’agir d’une conspiration d’un autre genre. Une qui prend racine en notre sein.

Jarlaxle prit quelques instants pour y réfléchir.

— Tu penses que j’aurais attiré les orques ?

Pour toute réponse, le tueur tapota la bourse qui contenait l’Éclat de cristal.

— Crenshinibon veut être libéré de nos griffes…

— Il préférerait tomber entre les mains des orques plutôt que de rester en notre possession ? lâcha le drow, sceptique.

— Je ne le possède pas, et ne le posséderai jamais, répondit sèchement Entreri. Ni toi, d’ailleurs, sinon tu me l’aurais arraché dès notre première nuit dans le désert. J’étais trop faible pour te résister. Je le sais et tu le sais. Crenshinibon aussi. Il a compris que nous étions désormais hors de sa portée et voilà qu’il nous redoute. Moi, en tout cas, car il a lu dans mon cœur.

L’humain avait parlé avec un calme souverain. Jarlaxle n’eut aucun mal à le comprendre à demi-mot.

— Tu veux sa destruction ! s’écria-t-il, accusateur.

— Et je sais comment m’y prendre, avoua Entreri sans ambages. Enfin, je connais quelqu’un qui saura s’y prendre.

Sur le beau visage de Jarlaxle, la colère succéda à l’incrédulité avant de s’effacer devant… une étrange impassibilité.

Un sentiment qui avait dû être profondément enfoui. En confiant son plan à un drow que l’Éclat de cristal avait si bien su duper, Entreri prenait des risques. D’autant que, malgré tout ce que l’humain lui répétait, Jarlaxle doutait encore qu’il soit sage de renoncer à la puissance de Crenshinibon. Était-ce vraiment une bonne chose ?

La mine fermée du drow annonçait-elle un désastre ? Le cristal maléfique possédait-il de nouveau Jarlaxle, le poussant à éliminer le gêneur ? Lui soufflait-il des moyens de l’abattre ?

— Tu ne trouveras jamais en toi la force de le détruire. (Ce fut au tour du tueur de paraître perplexe.) À supposer que tu aies une méthode – et je doute qu’il en existe une –, l’heure venue, Artémis Entreri n’aura pas le cœur à renoncer au potentiel de Crenshinibon, ajouta Jarlaxle avec un sourire. Je te connais, et je sais que tu es incapable de renoncer à tant de puissance et de beauté !

Entreri lui jeta un regard noir.

— Sans la moindre hésitation, lâcha-t-il, glacial. Et toi aussi, si tu n’étais pas tombé sous sa coupe… Je vois cet envoûtement pour ce qu’il est : une voix royale vers la catastrophe. Tu me déçois, Jarlaxle. Je t’aurais cru plus malin que ça.

À son tour, le drow devint glacial. Une lueur de colère passa dans ses yeux. Un instant, Entreri crut que la première dispute de la journée allait éclater. Ou que son compagnon allait l’attaquer… Mais, les yeux clos, Jarlaxle se concentra, faisant de l’ordre dans ses idées.

— Repousse son influence, chuchota le tueur.

Entreri le solitaire, celui qui, sa vie durant, n’avait compté que sur lui-même… Cet homme-là n’en aurait pas cru ses oreilles.

Avait-il si vite changé à ce point ?

— Nous continuons à fuir ou nous les affrontons ? demanda l’elfe noir après un silence. Si ces créatures sont guidées par Rai-guy et Kimmuriel, nous serons vite fixés… Sans doute dès que le combat s’engagera. Affronter des orques à un contre dix – ou même à vingt contre un – sur le terrain de notre choix ne m’inspire aucune appréhension. Mais en vérité, je ne tiens pas à affronter mes anciens lieutenants. Même à deux contre deux. Avec ses pouvoirs magiques et cléricaux, Rai-guy a assez de puissance pour effrayer Gromph Baenre. Et il n’y a rien de prévisible, ni même de compréhensible, dans les tactiques qu’emploie Kimmuriel Oblodra. Durant les années qu’il a passées à mon service, je n’ai jamais réussi à le percer à jour. J’ai une seule certitude à son sujet : sa terrible efficacité.

— Continue, murmura Entreri avec un coup d’œil sur les orques qui se rapprochaient et en cherchant un lieu propice à l’affrontement. Je commence à regretter de ne pas vous avoir laissés derrière moi, l’Éclat de cristal et toi.

Le mercenaire avait déjà dû s’interroger à ce sujet. Pourquoi s’était-il donné la peine de lui porter secours ? Si Entreri avait l’intention de renvoyer Crenshinibon au néant, pourquoi ne s’était-il pas contenté de fuir avec l’artefact en laissant Jarlaxle aux prises avec ses lieutenants ?

— Nous en reparlerons.

— Oui, une autre fois, promit le tueur en se déplaçant le long de l’éperon rocheux pour tenir les orques à l’œil. Nos amis semblent pressés…

— … De mourir, grogna Jarlaxle en descendant de cheval et en suivant son compagnon.

Peu après, ils avaient sélectionné un terrain au nord-est du col : le versant le plus escarpé. Jarlaxle craignait que les monstres arrivent par d’autres chemins – par ceux qu’ils avaient eux-mêmes empruntés, par exemple –, les privant ainsi de l’avantage de la hauteur. Mais Entreri était convaincu que Crenshinibon attirait les orques. Il les pousserait à foncer en droite ligne, le long de pistes étroites et aisément défendables.

De fait, le drow et l’humain ne tardèrent pas à voir apparaître leurs ennemis, en contrebas. Les orques négociaient l’escalade de gros rochers.

Jarlaxle recommençant à bavarder, Entreri se boucha – pour ainsi dire – les oreilles pour se concentrer sur les attaques insidieuses de Crenshinibon. Il étudia les subtiles émanations qu’il connaissait trop bien. Même s’il s’était mis hors de portée de l’artefact, son diabolique pouvoir de séduction demeurait. Et Crenshinibon n’abandonnait jamais.

L’humain entendit l’appel lancé aux orques en direction de nombreux cols – il les attirait vers un merveilleux trésor –, et ordonna qu’il cesse.

— Ces créatures ne sont pas dignes de nous servir d’esclaves, à toi ou à moi.

Désorienté, l’Éclat de cristal espéra – brièvement – qu’Artémis Entreri était enfin revenu à la raison, et l’acceptait. En fait, il désirait toujours l’avoir pour « maître » !

Le tueur en profita pour mêler ses propres pensées à l’appel télépathique. Il ne tenta pas de formuler ses idées, car il ne connaissait pas un traître mot de la langue des orques, mais il transmit des visions de cauchemar : les créatures ployant sous les chaînes avec l’elfe noir comme maître… Quand il s’agissait de terrifier les cœurs, mettre en scène des drows plutôt que des humains était toujours plus efficace. Entreri montra un orque dévoré vif par Jarlaxle, puis un autre démembré avec une joie féroce…

— Qu’es-tu en train de faire, mon ami ? demanda le drow en haussant le ton.

Son compagnon drow lui avait sans doute posé cette question plusieurs fois avant qu’il l’entende.

— Je sème le doute dans l’esprit de nos adversaires, répondit Entreri. Je brouille l’appel de Crenshinibon pour qu’ils ne puissent plus distinguer un mensonge d’un autre.

Devant la perplexité du drow, Artémis comprit que lui aussi avait beaucoup de doutes.

Distinguer un mensonge d’un autre… Les promesses du cristal étaient-elles toutes de « vrais mensonges » ? Outre cette confusion fondamentale, Jarlaxle se posait forcément des questions sur les motivations de son compagnon. Entreri l’avait-il manipulé pour l’amener à lui céder l’artefact sans résister ?

— Ignore les doutes dont Crenshinibon t’assaille, lança le tueur sur le ton de la conversation.

Il déchiffrait sans mal l’expression du drow et ce qu’elle cachait.

— À supposer que tu sois sincère, répondit Jarlaxle après une autre pause, je crains que tu joues un jeu très dangereux avec un artefact dont la puissance te dépasse, rétorqua Jarlaxle après avoir longuement réfléchi à ce qu’il allait dire.

— Je sais qu’il comprend la nature de notre relation, lui assura Entreri. Voilà pourquoi il essaie de se débarrasser de moi… par ton intermédiaire.

Jarlaxle le dévisagea. Après un autre silence, Entreri crut de nouveau que le drow allait l’attaquer.

— Ne me déçois pas, Jarlaxle…

Le mercenaire cilla, enleva son chapeau et essuya de nouveau la sueur sur son crâne.

— Là ! ajouta Artémis en désignant les pentes où des factions rivales d’orques s’affrontaient.

Avec ces monstres, des créatures du chaos, un appel au calme n’était jamais de mise. La plus petite étincelle pouvait déclencher des bagarres… jusqu’à ce que tous les membres d’un camp soient purement et simplement exterminés. Avec ses visions de torture, d’esclavage et de domination drows, Entreri avait admirablement su jeter de l’huile sur le feu.

— On dirait que mon intervention porte ses fruits… L’appel de l’artefact n’a pas convaincu tout le monde.

— Je me disais bien que nous n’aurions pas à tromper notre ennui aujourd’hui… Devrions-nous courir rejoindre la fête avant qu’ils se soient tous entre-tués ? Histoire de prêter main-forte aux perdants ?

— Et de renverser le cours des choses…

— Naturellement ! gloussa le drow. L’honneur nous poussera ensuite à rallier le camp des vaincus… L’après-midi sera fertile en complications.

Contournant l’éperon rocheux en quête du plus court chemin vers les orques, Entreri sourit.

En approchant, les deux compagnons constatèrent que leurs estimations étaient loin de la réalité. Les orques, une cinquantaine au bas mot, se couraient les uns après les autres et se massacraient avec une belle énergie : gourdins, branches, bâtons et armes grossièrement taillées…, tout ce qui leur tombait sous la main était bon.

Jarlaxle fit signe à son ami d’aller à gauche. Lui prit à droite, se fondant si vite dans l’ombre qu’Entreri cilla à plusieurs reprises. Comme tout drow digne de ce nom, Jarlaxle avait la discrétion dans le sang. En outre, son manteau, qui n’était pas un piwafwi standard, dissimulait nombre d’atouts magiques. Mais comment Jarlaxle, sans recourir à un sort d’invisibilité, réussissait-il si bien à escamoter le grand chapeau à plume ?

Sans perdre une seconde, Entreri courut à gauche en se faufilant d’arbre en rocher et en saillie. Il se rapprocha rapidement de quatre orques. Trois monstres s’acharnaient sur le quatrième. Pensant égaliser les chances, il se glissa derrière le trio. Personne ne pouvait le voir ni l’entendre. Il faisait ce genre de choses depuis presque une trentaine d’années, perfectionnant cette tactique de frappe surprise… Et il s’agissait de stupides orques, après tout…

Entreri fut abasourdi comme jamais de voir deux membres du trio pivoter soudain avec de grands cris et fondre sur lui… imités par leur adversaire du moment !

Qui se fit larder de coups par l’orque restant…

L’humain brandit son épée, para les deux premières attaques et brisa net la pointe de la lance, de facture grossière. Il avait dû battre en retraite et se retrouvait dans une position peu stable. Contre des adversaires plus doués et plus rapides, il n’aurait pas pu éviter le pire. Par chance, il avait affaire à des orques mal équipés. Sans compter que leur « sens tactique » était des plus prévisibles… Entreri avait su esquiver les premiers coups malgré l’effet de surprise – la seule chance des orques de l’abattre. En dépit d’un échec qui ne leur laissait aucun espoir, les monstres revinrent à la charge.

La Griffe de Charon zébra les airs de traînées de cendres. Naturellement, les orques foncèrent à travers… alors qu’Entreri les avait déjà contournés sur la gauche. Il plongea sa dague dans le dos du plus proche. Et ne la retira pas immédiatement afin qu’elle boive l’énergie de sa victime pour la lui transmettre… Il n’était toujours pas entièrement remis de ses blessures.

Un deuxième orque se jeta sur lui. Entreri bloqua le coup avec les quillons de sa dague, déviant le bras du monstre en hauteur avant de le lui trancher. Il conclut l’affaire d’un coup d’épée au cœur, lui brisant les côtes et lui perforant un poumon.

Après que la troisième créature eut vu ses congénères être si aisément abattus, loin de fuir comme tout orque l’aurait fait, il chargea à son tour. La jambe gauche posée sur un cadavre, Entreri l’attendit de pied ferme… et poussa le mort le long du sentier contre l’orque qui le chargeait, le faisant trébucher.

Puis il se jeta sur lui pour lui enfoncer sa dague dans le crâne en passant par le menton.

D’une torsion du poignet, il libéra la lame, tandis que l’orque chutait face contre terre et se tortillait, pris de convulsions.

Entreri marqua une courte halte, le temps d’essuyer ses lames sur le dos d’un cadavre avant de courir affronter d’autres adversaires.

Son premier échec le troublait. Comment le trio d’orques avait-il pu le sentir approcher ? Par quel mystère ? Une seule explication : l’intervention de l’Éclat de cristal… Porter l’artefact priverait-il le tueur de son mode favori d’attaque ? De sa première ligne de défense ?

Il y avait de quoi s’inquiéter…

Par la force de l’habitude, il progressa d’ombre en ombre même s’il ne se souciait plus tellement de discrétion. Avec l’artefact au ceinturon, il devait être aussi remarquable qu’assis au coin d’un grand feu de camp, en pleine nuit… Il franchit quelques buissons et descendit un peu plus bas sur le coteau. Furieux, il courut sans se soucier d’échapper aux regards de ses ennemis.

Du coin de l’œil, il vit un autre orque se précipiter vers lui, le bras en arrière, près à projeter sa lance. À moins de cinq pas de distance, le monstre lui décocha son arme… le ratant de beaucoup. Entreri n’eut même pas à parer. L’orque bondit alors sur l’humain et voulut le ceinturer et l’entraîner dans sa chute. Faisant deux pas sur le côté, le tueur évita sans peine la tentative brouillonne… frappant au passage le monstre dans le dos, lui brisant net la colonne vertébrale.

L’orque s’écroula face contre terre, les jambes paralysées, en tortillant le haut de son corps.

Sans prendre la peine de l’achever, Entreri continua sa course, guidé par un rire familier…

Un drow de sa connaissance, hilare ? Jarlaxle prenait vraiment trop de bon temps !

Il le trouva perché sur une saillie rocheuse, dominant de toute sa taille une horde de créatures déchaînées. Dans un orque incompréhensible pour Entreri, le drow les encourageait avec une gouaille remarquable tout en les éliminant à coups de dague.

Au pied d’un arbre, le tueur marqua une pause pour savourer le spectacle.

Jarlaxle ne tarda pas à retourner sa veste, haranguant les survivants de la faction « adverse » pour fouetter leurs ardeurs belliqueuses…

Puis il lança ses dagues magiques contre ceux qu’il venait de faire triompher…

À leur tour, ils tombèrent comme des mouches. Si stupides soient-ils, les orques comprirent son manège…

Les survivants firent enfin front contre le drow, lui décochant une dizaine de lances.

Jarlaxle en rit à gorge déployée. Les projectiles le ratèrent lamentablement – autant à cause de la médiocrité de ses adversaires qu’en raison de sa cape de déplacement. Pivotant avec grâce sur son perchoir, il continua son travail de sape, lançant dague après dague, éliminant avec méthode les orques les plus proches. Il ne manquait jamais sa cible.

À la vitesse d’une flèche, Entreri jailli de l’ombre et entra dans la danse. Et flanqua de grands coups de dague tandis qu’il agitait son épée pour créer des paravents de cendres. Le but ? Isoler ses victimes les unes après les autres et les expédier rejoindre leurs ancêtres rapidement…

Peu après, les deux amis retournèrent sur leur éperon rocheux. Jarlaxle se plaignit du maigre butin. À peine quelques pièces d’argent… Soucieux, Entreri l’écoutait d’une oreille distraite. Il repensait à l’appel de Crenshinibon qui avait si bien attiré les orques… Quelles créatures plus malignes et plus redoutables contacterait-il par la suite ?

— Le pouvoir de séduction de l’Éclat de cristal est vertigineux…

— Il existe depuis des siècles, répondit le drow. Crenshinibon sait parfaitement se préserver.

— Une existence qui touche à sa fin…

— Pourquoi ? demanda Jarlaxle en toute innocence.

Le ton, plus que la question, incita le tueur à chercher le regard de son surprenant compagnon.

— Faut-il vraiment revenir là-dessus ?

— Mon ami, je comprends pourquoi tu estimes que l’Éclat de cristal est inacceptable pour nous deux. Mais d’où vient ton acharnement à le voir pulvérisé ?

Jetant des coups d’œil circonspects à la ronde, Jarlaxle fit signe à son compagnon de le suivre au bord d’un gouffre. À leurs pieds s’étendait une vallée.

— Pourquoi ne pas le jeter dans le vide, tout simplement ? Et advienne que pourra ?

Songeur, Artémis Entreri faillit prendre le drow au mot. Mais une triste réalité le retint.

— Crenshinibon trouverait rapidement le moyen de tomber entre les mains de nos ennemis. Il détectait un grand potentiel chez Rai-guy.

Jarlaxle hocha la tête.

— Très juste. Son ambition le perdra, celui-là… Mais au fond, que t’importe ? Laissons le magicien et Portcalim aux prises avec l’artefact. Selon toute vraisemblance, Crenshinibon en poche, mon ancien lieutenant sera trop occupé par sa quête de richesses et de pouvoir pour se soucier encore de nous. Lui livrer l’Éclat de cristal nous sauvera probablement.

Le tueur réfléchit. Mais quelque chose continuait à le turlupiner.

— Crenshinibon sait que j’ai juré sa perte. Dans mon cœur gonflé de haine, il a senti mon désir de le détruire coûte que coûte. D’autre part, tant que tu seras en vie, tu menaceras Rai-guy et sa nouvelle position… Qu’arriverait-il si Jarlaxle réapparaissait à Menzoberranzan pour mobiliser ses vieux frères d’armes contre les imbéciles qui prétendent usurper le trône de Bregan D’aerthe ?

Jarlaxle ne répondit pas. Mais, à en juger par ses prunelles pétillantes, le drow adorait déjà le scénario…

— Il veut te voir mort, ajouta Entreri. Pour lui, c’est une absolue nécessité, et s’il récupère l’Éclat de cristal…

Sans que ses yeux perdent de leur éclat, Jarlaxle haussa les épaules.

— Allons-y. Je te suis.

Ils regagnèrent leurs montures et, bientôt, ils reprirent leur route vers le nord-est, en direction des montagnes Floconeigeuses et de l’Envol de l’Esprit. Entreri se félicitait d’avoir si bien su amener son compagnon à ses vues.

De l’avoir convaincu qu’il fallait détruire l’Éclat de cristal…

Autant de poudre aux yeux… dissimulant ce qu’il avait réellement dans le cœur. Certes, il voulait la fin de Crenshinibon, mais pas par crainte d’une vengeance ni de poursuites… La seule existence d’une entité aussi machiavélique le révoltait. En tentant de lui forcer la main, l’Éclat de cristal l’avait écœuré.

À ses yeux, la disparition de l’artefact ne rendrait pas le monde meilleur. Ça, sûrement pas ! Et de toute manière, il s’en moquait royalement, car il ne se souciait que de lui-même. Et une fois débarrassé de Crenshinibon à tout jamais, il se sentirait mieux…

Naturellement, tandis qu’Entreri nourrissait de telles pensées, l’artefact, lui, bouillait de rage. Son seul espoir était d’envoûter un type au caractère moins trempé qu’Artémis Entreri… mais supérieur à l’épée pour qu’il puisse enfin être débarrassé de sa mainmise…

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